Immobilier : gare aux illusions
14 décembre 2018

Il y a tout juste dix ans, en octobre 2008, il fallait verser un intérêt de 5,30 % pour s'endetter à vint ans. Aujourd'hui, les banques demandent à peine 1,6 % sur la même durée. Cela représente un gain de pouvoir d'achat considérable. Un gain atténué bien entendu par la progression des prix de l'immobilier, et dépendant de la région dans laquelle on achète sa maison ou son appartement.
Mais le constat est là : toutes durées confondues, le taux moyen des crédits à l'habitat s'établit à 1,43 %. Il est proche de son plancher en valeur faciale, et même au plus bas depuis le choc pétrolier de 1973 si l'on tient compte de l'inflation !
Ce constat appelle à la fois un satisfecit et une mise en garde. Le satisfecit, c'est que le marché fonctionne bien. La concurrence féroce que se livrent les banques tire le prix vers le bas au plus grand bénéfice des particuliers. Mais elle s'effectue dans un cadre qui reste sain. Les établissements ne dépassent pas les "bornes" ; ils rechignent à prêter plus que la veleur du bien ou à solliciter des emprunteurs qui n'ont pas les reins assez solides.
Autrement dit, ils ne commettent pas les erreurs qui ont conduit l'Irlande ou l'Espagne vers une grave crise bancaire, ou les dérives qui ont précipité la crise des "subprimes" aux Etats-Unis.
Cela ne doit pas empêcher la mise en garde. Pour les banques d'abord. Le jour approche où les taux d'intérêt vont commerncer à remonter. La Banque centrale européenne ne cesse de le répéter, tout comme les autorités de régulation. Il faut donc s'assurer qu'elles se protègent bien contre ce risque. Pour tous les Français ensuite. Cette période bénie ne doit pas les entretenir dans l'illusion que l'argent coulera toujours à flots et qu'il sera toujours aussi bon marché. Les créanciers finissent toujours par demander des comptes. C'est vrai pour les emprunteurs immobiliers. C'est vrai pour les contribuables que nous sommes tous. Le plus gros emprunteur de ce pays, et de très loin, c'est bien l'Etat. Et il ne pourra pas profiter éternellement de la mansuétude de ceux qui financent son train de vie.
Guillaume MAUJEAN Les Echos (10/2018)